Ciano, mauvais gendre de Mussolini

Publié le par Bernard Gasnot

Ciano, mauvais gendre de Mussolini

 

Le journal de Galeazzo Ciano, gendre et ministre des Affaires étrangères de Mussolini, est publié en intégralité. Un document pertinent sur l'abjection du fascisme et de sa tyrannie.

 

A gauche, Galleazo Ciano faisant face au Premier ministre britannique Chamberlain, à Rome, en 1939. Au centre : Benito Mussolini

 

Exécuté en janvier 1944 par la dictature d'un Duce aux abois, le comte Ciano est parfois présenté comme un adversaire résolu du nazisme, voire... du fascisme. C'est oublier son rôle dans le rapprochement italo-allemand, fût-il regretté à l'aube du second conflit mondial. C'est minorer, aussi, la force de son adhésion doctrinale, quand bien même celle-là finit par s'étioler. Or, le jeune ministre maniant volontiers la plume jugea utile de « fixer des événements », et plus encore. Commentée et annotée par des spécialistes, la version complète du Journal politique permet de suivre pas à pas le supposé dauphin de Mussolini entre août 1937 et février 1943. L'intérêt ? Outre une galerie de portraits et les rouages du pouvoir, on y découvre dans le texte l'évolution d'un aristocrate, dandy et conservateur, fasciné par la mythologie mussolinienne, en grâce auprès du roi et détesté de son peuple. Arrivé à 33 ans au sommet de la diplomatie transalpine, l'homme, certes habile, était en effet plus enclin à séduire qu'à peser les termes d'un traité. « J'entrevis [dès 1938] la tragédie qui allait fondre sur l'humanité », écrira pourtant celui qui, au seuil de sa mort, conspua la « lâcheté honteuse de Mussolini ». Trop tard, donc.

A

Dans l'intervalle, il intrigue, loue l'audace du « chef », entreprend de « terroriser l'ennemi » en Espagne, finance les mouvements fascistes européens, dont le Parti populaire français de Jacques Doriot, et se convainc de la faiblesse des démocraties. Réticent vis-à-vis de l'antisémitisme d'Etat et redoutant les ardeurs bellicistes de son cher Duce, Ciano prend peu à peu ses distances, au moins sur le papier : pendant la drôle de guerre, il cite le leader fasciste, convaincu qu'« en Italie, il y a encore des imbéciles et des criminels qui pensent que l'Allemagne sera battue ». Et le diariste de confier : « J'accepte l'"imbécile" - si c'est moi qu'il vise -, mais "criminel", voilà qui est injuste ! » De fait, le jeune noble ne ménage pas ses efforts pour « retenir le Duce » de déclarer la guerre à la France, jusqu'à échouer en juin 1940. L'année suivante, l'invasion de l'URSS l'inquiète, l'attaque de Pearl Harbor le laisse perplexe, tandis que l'influence acquise par de Gaulle l'interpelle. Surtout, Ciano se méfie des nazis, à commencer par Hitler dont il note « l'éclat sinistre des yeux », ce « satrape occidental » de Göring, ou Ribbentrop, le « premier perroquet de l'Allemagne ». Tous le lui rendent bien.

Ambitions et albiguïtés

Au sommet du Reich, le diplomate dérange : accablé par l'aveuglement de Mussolini qui minimise l'ampleur de la défaite de Stalingrad, il critique la conduite de la guerre par Hitler et milite pour une « paix séparée » avec les Alliés. Le 5 février 1943, Galeazzo Ciano, las, accepte sans « la moindre objection »d'être évincé du gouvernement. Les derniers mots du Journal, au soir de sa démission, résument ses ambiguïtés : « J'aime Mussolini, je l'aime beaucoup, et ce qui me manquera le plus sera le contact avec lui. » Impliqué dans le renversement du Duce que Hitler a installé à la tête d'un régime fantoche, Ciano est capturé. Là, il réalise enfin quel tyran fut le Duce. Il n'empêche, ses regrets d'avoir vu l'Allemagne traiter l'Italie en « esclave » plutôt qu'en « partenaire » n'atténuent en rien sa part de responsabilité, celle d'un être que l'ambition perdra.

 

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